Accueil > Le Quotidien des Arts > Les records sont de retour

Marché

Les records sont de retour

Les enchères new-yorkaises de la première quinzaine de novembre ont été spectaculaires. Cela signifie-t-il que le marché a retrouvé son optimisme d'avant 2001 ?


Gustav Klimt, Paysage à
Attersee
, vers 1914, huile sur
toile signée en bas à gauche,
Sotheby's, 29,1 millions $.
434 millions de dollars. Les ventes d’art moderne et contemporain de ce mois de novembre, à New York, resteront dans les annales. Des dizaines de records battus, une soirée de ventes contemporaines chez Sotheby’s (74 millions de dollars) dont on n’avait pas vu l’équivalent depuis 1989. Bref, les «auctioneers» étaient tout sourire après ces performances. «Nous avons vu apparaître une nouvelle génération de collectionneurs, qui n’était pas active il y a trois ans», a déclaré Tobias Meyer, le patron du département contemporain chez Sotheby’s, avant d’ajouter un commentaire intéressant : «Ces nouveaux acheteurs, pour les lots les plus chers, étaient essentiellement des Européens.»


Willem de Kooning, Spike's Folly I,
1959, huile sur toile, 200 x 74 cm,
Sotheby's, 11,2 millions $
Caillebotte monte
Les impressionnistes et les modernes continuent d’attirer le gros des investissements : 284 millions de dollars pour les sessions de Christie’s et Sotheby’s, début novembre. On a vu trois œuvres, toutes peintes entre 1914 et 1917, dépasser les 20 millions de dollars et marquer dans chaque cas un record pour l’artiste considéré : un paysage de Klimt, Landhaus am Attersee (29,1 millions de dollars) un Nu couché de Modigliani (26,8 millions de dollars) et La Femme en rouge et vert de Léger (22,4 millions de dollars). Derrière, Cézanne, Van Gogh ou Monet, avec ses Nymphéas, demeurent évidemment des valeurs sûres, atteignant aisément 10 millions de dollars pour des tableaux moins emblématiques. De nouveaux noms se font une place dans l’élite, comme Caillebotte dont un Chemin montant a été adjugé pour 6,7 millions de dollars, ou Henry Moore pour la sculpture Three Piece Reclining Figure : Draped (6,1 millions de dollars).


Lee Bontecou, Sans titre, 1960
58,4 x 61 x 17,8 cm
Christie's, 298 760 $
La percée des deux Lee
Le marché contemporain demeure plus étroit : 149 millions de dollars pour les deux grandes soirées de Christie’s et Sotheby’s. Mais il est aussi plus nerveux : derrière les «classiques», la hiérarchie a été autrement bouleversée. Les trois années 1957 à 1959 ont constitué une sorte de trio magique avec Spike’s Folly I (1959) de De Kooning à 11,2 millions de dollars, N. 8 (White Stripe) (1958) de Rothko à 8,8 millions de dollars et Gray Numbers (1957) de Jasper Johns à 5,2 millions de dollars. Se sont ensuite affirmés, tous avec un record à la clé, Calder (Untitled à 5,8 millions de dollars), la minimaliste Agnes Martin (Leaves de 1966, vendu à 2,8 millions de dollars à un collectionneur européen), Bruce Marden (10 Dialog 2 à 2,4 millions de dollars), Clyfford Still (1945-R à 1,9 millions de dollars). Les deux plus inattendues sont probablement les deux Lee : Lee Bontecou, dont les compositions en forme de vitraux, estimés à moins de 100 000 dollars, ont flirté dans un cas avec la barre des 500 000 dollars. Et Lee Krasner, qui a multiplié sa cote par dix : Celebration est parti à 1,9 millions de dollars. Avoir été l'épouse de Jackson Pollock, récemment célébré par un film grand public, a dû contribuer à la remettre au goût du jour…Avant de se prononcer sur une reprise définitive du marché, il faudra attendre des statistiques agrégées sur l'année. Depuis des mois, Artprice souligne en effet la baisse vertigineuse du nombre de ventes, par rapport aux années précédentes. Les enchères phares d New York ont eu lieu dans un agenda très amaigri, ce qui pourrait suffire à expliquer leur succès.


 Charles Flours
17.11.2003