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Marché

Artcurial se met à la photographie

A l'occasion de sa semaine de ventes de prestige, qui commence le 8 décembre, la maison parisienne étrenne un nouveau département consacré à la photographie.


Nadar (1820-1910), photographie
prise à l'ambassade du Japon,
1862
Est. : 30 000 - 40 000 euros.
PARIS. Le premier catalogue est maigrelet mais il a le mérite d'exister. Il prouve l'intention d'Artcurial d'investir une nouvelle discipline. Pour ce faire, la direction a embauché Grégory Leroy, qui s'est fait un nom en animant, avec deux associés, une maison d'édition «culte», Coromandel Express. «Nous n'avons eu que deux mois pour préparer la vente du 10 décembre. Ce qui explique que le catalogue ne compte qu'une soixantaine de lots. Notre objectif est d'organiser deux ventes de prestige par an, en décembre et en juin, avec 200 lots environ à chaque fois.» Dans la sélection, on remarque un daguerréotype, Petite fille et statue de Jeanne d'Arc, qui à 800 euros, semble très accessible. D'autant qu'une exposition au Musée d'Orsay remet actuellement au goût du jour ce genre de portraits de famille. Un Effet de soleil, océan de Gustave Le Gray, daté de 1856, ne semble pas hors de prix à 15 000 euros. Pour assurer la réussite de cette vente inaugurale, on pressent que les estimations ont été volontairement brisées. Le plus bel ensemble ? «Cs sont indubitablement les treize photographies prises en 1862 par Nadar à l'ambassade du Japon, explique Grégory Leroy. Huit d'entre elles étaient totalement inconnues des experts. Les ambassadeurs, en tenue de samouraï, étaient venus en Europe demander la levée des traités inégaux qui venaient d'être imposés à leur pays. Ce sont là les premiers Japonais à mettre pied sur le Vieux Continent depuis trois siècles. Nous nous attendons à une manifestation d'intérêt de la part des musées de l'archipel.»


Alain Jacquet, Camouflage Michel-
Ange génie Sixtine
, acrylique sur
toile, 1962-62. Est. : 25 000 euros.
Quand Courbet peignait en prison
Avant ce rendez-vous photographique, Artcurial aura proposé sous le marteau de maître Briest, trois sessions d'art moderne et contemporain. Là encore, on a du mal à retrouver les estimations du passé. Les prix, qui continuent de s'envoler pour des chefs-d'œuvre indubitables, restent désormais sages pour des œuvres moins emblématiques. Une Nature morte, pommes et poire peinte en 1871 par Courbet, qui est passée entre les mains de Durand-Ruel, Bernheim Jeune et Max Liebermann, est estimée 220 000 euros. Cette belle composition aux rouges soutenus est un témoignage d'une période noire pour Courbet. Accusé d'avoir été à l'origine de la destruction de la colonne Vendôme, symbole du régime impérial qu'il honnissait, il est incarcéré à la prison Sainte-Pélagie. On finit par lui concéder ses instruments de peintre mais l'interdiction d'accueillir des modèles l'oblige à se rabattre sur les fruits que lui apporte sa sœur, Zoé Reverdy. Quatre huiles de Monticelli à peu près contemporaines (1872-75), très «matiéristes», dont un Bal masqué, devraient connaître un meilleur sort que les 15 000 euros qu'on leur impute. Suivent une étude de Delacroix, des œuvres d'André Lhote (Port de Bordeaux), de Survage (Paysage à la porteuse), de Sophie Taeuber-Arp (Composition à cinq cercles, carré et rectangle de 1931) et un ensemble très complet d'Otto Freundlich (1868-1943). L'ami de Gustave Herbin, le tenant de l'abstraction dont l'une des œuvres figurera sur le catalogue de l'exposition d'«art dégénéré» voulue par Hitler, est ici proposé dans une fourchette de prix très large, de 1 000 euros pour un dessin à la mine de plomb jusqu'à 50 000 euros pour la gouache Der Rote Baum de 1933. L'exercice se reproduit pour l'art contemporain puisque Alain Jacquet, l'un des artisans du Pop Art à la française, y apparaît avec 18 œuvres, réalisées entre 1962 et 1973. A côté de Simon Hantaï, Anselm Kiefer ou Murakami, on pourra ensuite enchérir sur les photographies de Tacita Dean, Sylvie Fleury et Florence Paradeis ou sur les compositions figuratives de Giorda et Jean-Charles Blais.


 Charles Flours
08.12.2003