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Marché

Les Laboureurs mis à pied

Après la vente avortée d'un Toulouse-Lautrec douteux, la même mésaventure survient à un présumé Van Gogh.


Vincent Van Gogh, Les Laboureurs
Huile sur bois : 30,5 x 45,8 cm
Signée en bas à gauche en rouge : Vincent
Estimation : 3/5.000.000 €
BORDEAUX. Mardi dernier éclatait l'«affaire Toulouse-Lautrec» : le Conseil des Ventes interdisait la vente d'une toile attribuée au peintre d'Albi, programmée chez maître Féraud à Montauban. L'apparition en province, trois jours plus tard, d'un autre tableau contesté, de Van Gogh cette fois-ci, ne pouvait manquer d'alimenter la surenchère. Ces Laboureurs auraient été brossés en tout début de carrière, dans les tourbes de la Drenthe. Ils seraient la première œuvre signée d'un rouge «Vincent». Ces éléments versés au dossier ne lui ont pourtant pas valu l'onction du Musée Van Gogh d'Amsterdam, la plus haute autorité en la matière, qui avait déjà émis un avis défavorable en 1991. Plutôt que de voir le Conseil des ventes jeter le discrédit sur le tableau en suspendant l'enchère, ce sont les organisateurs eux-mêmes qui ont préféré retirer l'œuvre de la vacation. Une déception certaine pour le commissaire-priseur Eric Le Blay, qui, dans des envolées à la Péguy, se réjouissait de procéder à une si belle vente «au milieu des vignes du pays de Graves», prouvant ainsi que les maisons de province n'étaient pas condamnées à n'écouler «que des croûtes de seconde zone sentant bon le lait frais non pasteurisé».

Réponse dans trois mois
Le dossier contenait une étude «polyméthodologique», commandée à un laboratoire italien, R & C Scientifica s.r.l., basé à Altavilla Vicentina, près de Vicence. Elle offre trois premières conclusions : la palette des couleurs est bien celle de Van Gogh, la signature est contemporaine de l'œuvre et les pigments datent de la fin du XIXe siècle. Un test en dévernissage effectué par la restauratrice Marion Boyer, établie à Paris, a prouvé qu'il s'agissait des mêmes vernis que ceux qu'utilisait Van Gogh. Enfin, une longue «étude stylistique» de Benoît Landais, «chercheur, écrivain et expert de Vincent Van Gogh», tente de dissiper les derniers doutes en analysant notamment la forme des lettres de la signature. C'est par souci de «transparence» et pour «désamorcer la polémique» que le tableau a été soustrait de la vacation. La promesse du Musée Van Gogh de réexaminer Les Laboureurs dans les trois mois, invoquant une confusion possible entre deux tableaux aux titres comparables, laisse augurer une suite. On reparlera donc de cette toile achetée 1500 francs aux puces de Montreuil, il y a douze ans, par un gardien de musée…


 Charles Flours
13.12.2003