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Royan, le défi de la reconstruction

L'Académie d'architecture vient d'attribuer son prix annuel à un ouvrage fouillé sur la renaissance d'une des villes les plus bombardées de France.

ROYAN. Place-forte allemande durant la Seconde Guerre mondiale, Royan est ensevelie en 1945 sous un tapis de bombes, une première fois dans la nuit du 4 au 5 janvier (1600 tonnes), la seconde le 14 avril (5000 tonnes avec les premières bombes au napalm). L'ancienne reine du tourisme balnéaire, où villégiaturaient Proust et Picasso, se trouve quasiment rayée de la carte : 85% des immeubles du centre ville sont détruits. En attendant des explications satisfaisantes - qui ne viendront jamais - sur l'ampleur de ces bombardements, Royan est déclarée ville sinistrée. Le 7 juin, Claude Ferret et Georges Vaucheret sont nommés architectes de la Reconstruction. «Je n'avais rien construit de très important» écrira plus tard claude Ferret, qui a 39 ans à l'époque de sa désignation. Il ne s'agit pas de rebâtir les immeubles là où ils étaient, il faut concevoir un nouveau plan d'urbanisme, une nouvelle relation à la mer, une nouvelle mécanique des flux. Les textes présentent dans le détail les hésitations sur le modèle à suivre et l'accompagnent d'une iconographie variées et de qualité, notamment la première esquisse de projet urbain, un schéma nerveux au crayon rouge de Ferret, ou cette curieuse plaquette publicitaire. Vantant les mérites d'une reconstruction globale, elle catalogue les erreurs «à éviter» sous la forme de croquis barrés - chaos architectural, quartiers sans poumons, logis sans soleil, congestion de trafic.

Une église minée par le sel
Présentant la nouvelle Royan comme la ville «la plus cinquante de France», les auteurs analysent les influences de l'Art déco, de Niemeyer et de Le Corbusier, avant de présenter quelques bâtiments emblématiques. Force est alors de reconnaître que la reconstruction, si elle a été un chef-d'œuvre théorique, a moins bien passé l'examen du temps. En 1985, les résidents imposent la destruction de l'original portique du front de mer. La même année, le casino est démoli tandis que le palais des congrès est défiguré par un nouveau mur-rideau. Enfin, le monument le plus symbolique de la ville, l'église Notre-Dame de Guillaume Gillet, qui incorpore tant de prouesses techniques de l'ingénieur Bernard Lafaille, n'en finit pas de lutter contre sa lèpre. Le béton a été réalisé avec du sable de mer non lavé : le sel ronge une structure qui n'a pas cinquante ans, imposant de coûteuses restaurations…


 Pierre de Sélène
20.12.2003