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L'Italie couleur fresque

En l'espace de trois siècles, de Giotto à Michel-Ange, les murs d'Italie se couvrent d'innombrables compositions, conservées par le miracle de la carbonatation.

S'il est une technique picturale qui symbolise la Renaissance italienne, c'est bien la fresque, dont le nom vient de fresco, frais, puisque cette peinture est appliquée sur un support humide. Dans son introduction, Stefano Zuffi, qui a déjà montré son talent de vulgarisateur dans les petits dictionnaires iconographiques publiés par Electa, brosse un court historique de la fresque, en montrant comment elle faisait et défaisait, aux XVe et XVIe siècles, les carrières des peintres, qui ne pouvaient pas faire l'économie d'être brillants en ce domaine. Même Léonard, qui préfère prendre son temps pour peindre, s'y contraint tout en essayant d'inventer, sans grand succès, des techniques nouvelles pour peindre a secco comme pour la Cène à Milan…

Cohortes de saints
La partie centrale du livre, la plus fournie, due à Gabriele Crepaldi, dresse une sorte de catalogue thématique, où les motifs religieux occupent évidemment une place de choix, de l'Ancien Testament aux innombrables saints comme Benoît, Augustin ou cette jeune vierge, Fine, à laquelle Malaparte dédie quelques paragraphes caustiques dans Maudits Toscans (elle est représentée par Ghirlandaio à la collégiale de San Gimignano). Mais les animaux (le poisson qui avale Jonas, par Giotto à Padoue, ressemble à un éléphant), les divertissements profanes ou la vie à la campagne ont eu leur transcription en fresque. Certains peintres ont même laissé leur autoportrait, qu'il faut souvent aller chercher dans des peintures de foules (Signorelli, Masaccio, Gozzoli). Quelques grands cycles sont mis en avant, par Michel-Ange, Mantegna, Raphaël ou Giulio Romano. Mais l'on apprécie surtout de voir, même si c'est à une échelle moindre, des œuvres rarement présentées comme ce Martyre de saint Barthélemy au Camposanto de Pise, ravagé par les bombardements, le bel ensemble d'Andrea Delitio à Atri, dans les Abruzzes, ou le plafond, par Gaudenzio Ferrari, du sanctuaire de Saronno, une ville de Lombardie davantage connue pour sa liqueur d'amande, l'amaretto…

Les secrets de l'intonaco
La dernière partie, due à Franco Lorandi, est la plus inattendue dans ce type d'ouvrage généraliste, qui privilégie une riche iconographie. Il s'agit d'un court traité de la fresque. On y apprend les rudiments d'une technique qui n'avait rien de simple. Pour s'attaquer à des espaces autrement plus grands qu'une toile de chevalet, il fallait prévoir une division du travail en plusieurs journées ou giornate. Il fallait habilement reporter les esquisses au moyen de poncifs : des papiers troués suivant les lignes du dessin, qu'on appliquait sur le mur et sur lesquels on passait une sorte d'éponge colorée. Mais le secret essentiel, c'était le mortier, composé de plusieurs couches : l'une sèche, l'autre humide, l'intonaco qui absorbait la peinture du pinceau. Par la réaction chimique de la carbonatation, qui transforme la chaux éteinte en carbonate de calcium, l'ensemble se stabilise ensuite, pour des années voire des siècles. Si l'envie vous prend de créer vos fresques à l'ancienne, Franco Lorandi vous indique les proportions de chaux éteinte et de sable et vous recommande même le meilleur sable, le plus fin, pour l'intonaco. C'est celui du Tessin (Ticino), une terre à cheval entre la Suisse et l'Italie, qui fournira plus tard des virtuoses du stuc.


 Pierre de Sélène
24.12.2003