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Marché

Paris dans la roue de Milan

Au salon parisien, le mobilier de style cède la place, lentement mais sûrement, aux créations contemporaines. Une façon de se rapprocher du modèle du genre, le célèbre Salone del Mobile milanais.


Hella Jongerius, créatrice de l'année
2004, Repeat by Maharam NY
© D.R.
PARIS. Au rayon des nouveautés, la première a trait à l'architecture. Le pavillon le plus stimulant du salon 2004, le 5, est en effet du dernier cri, dans sa robe d'argent métallisé : il vient d'être achevé par l'agence Valode et Pistre. Pour le reste, la manifestation continue de s'apparenter à un parcours de marathonien : elle regroupe 1200 exposants sur une grande partie du parc des expositions, soit quelque 150 000 m2. Malgré ce que prétendent les organisateurs, qui annoncent un souci de simplification, la lisibilité du découpage reste complexe et les appellations des pavillons peu parlantes. Seuls le précité 5, intitulé «Métropole», et le 4, «Ville-Age», ont une thématique claire. Le «Ville-Age», nom qui se veut visiblement une innovation sémantique significative par rapport au «Village» de l'an dernier, a été mis en scène par Daniel Rozenstroch. Après un sas composé d'une haie de chétifs arbustes censés symboliser l'octroi de l'ancien Paris, on entre dans un espace divisé en quartiers. Les stands sont délimités par de grands voiles transparents qui intimident plus qu'ils n'invitent à la visite. Avec son nom qui fleure bon le féodalisme, le «Ville-Age» est le royaume du meuble de style. Si l'on cherche pseudo-armoires normandes avec piqûres de vers incluses, ou guéridons, consoles et semainiers, c'est ici qu'il faut se rendre.


Micro Univers, Skybed
© D.R.
Hella dans son camion
Le pavillon 5 est au contraire le domaine de la modernité. L'abord, conçu avec le Fonds national d'art contemporain, est réussi. Il s'agit d'une grande barrière métallique montant jusqu'au plafond, sur laquelle sont disposés deux cents sièges qui décrivent l'histoire récente de cet objet. Dommage que toutes les pièces n'aient pas de fiche signalétique et que les plus haut placées soient à peu près invisibles. On est toujours content de revoir ou de découvrir les chaises de Verner Panton (1960), le fauteuil coque de Eero Aarnio (1968), les très dépouillés Sassi (cailloux, 1967) de Piero Gilardi ou les plus récents Pappardelle de Ron Arad (1992) et Toy de Philippe Starck (1999). Le camion Europcar que l'on distingue ensuite sera probablement négligé par nombre de visiteurs qui n'y verront qu'un leurre publicitaire. Il contient en réalité, impeccablement rangées comme pour un déménagement, les créations de la néerlandaise Hella Jongerius, élue designer de l'année par le salon. On ne peut bien sûr pas monter dans le véhicule mais toutes ses portes sont ouvertes. Après avoir passé les stands des classiques, Cinna et Artelano, Driade et Ligne Roset, la section Design Lab, au premier étage, initie aux dernières techniques, aux ultimes formes. On y voit, sur une grande estrade, un meuble habitacle en osier, des robinets fluorescents en gel, un superbe luminaire, véritable chevelure de Bérénice, à fibres optiques à émission latérale, dû à François Azambourg. Bref, tout ce que, par habitude, on allait plutôt voir à Milan…


 Charles Flours
08.01.2003