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Expositions

A l'école de Samba

Chéri Samba se veut le premier peintre à mêler le texte à l'image. Ses tableaux se lisent à la fondation Cartier.


Je suis un rebelle, 1999
© Fondation Cartier
PARIS. «Je suis le premier peintre à mettre des textes dans les tableaux» écrit Chéri Samba dans l'une de ses œuvres. On peut le contester en faisant par exemple référence aux peintres d'ex voto. Mais l'on doit reconnaître que le natif de Kinshasa s'en tient à son principe, même si cela lui a valu les quolibets de la presse de son pays qui lui donne du «peintre-journaliste». Aucun de ses grands formats à l'acrylique, accrochés dans une spacieuse salle blanche, ne manque d'une légende. Elle est parfois très nourrie, empiétant même sur l'image. De quoi discourt Chéri ? Partant du principe qu'il faut se faire valoir, c'est-à-dire parler de soi plutôt que d'attendre que les autres le fassent, Chéri parle (et écrit) souvent de lui. Une toile le montre en compagnie d'un écrivain polonais, qui a quelque grief contre lui : Chéri démonte toute son argumentation. A voir la mine réjouie, parfois hilare, des spectacteurs, on suppose qu'ils s'appliquent à lire tout le texte. Le jour du vernissage, Chéri Samba, en costume à fleurs, prenait lui-même le temps d'expliciter ses compositions.


Quelle solution pour les hommes ?
2001 © Fondation Cartier
Mon ami Picasso
Ailleurs, on le voit marchant côte à côte avec Picasso, chacun un tableau sous le bras. Le discours devient ici politique. Pourquoi les artistes africains ne réussissent-ils pas à entrer dans les musées d'art moderne et contemporain ? Chéri n'est pas politologue ni sociologue mais il ne se gêne pas pour donner son avis sur les événements du monde, sur le 11 septembre par exemple, ou sur les tours de Babel. Il entend par là les peuples que l'on force à vivre ensemble contre leur gré ou ceux que l'on a divisés, comme l'Allemagne autrefois ou la Corée. Les tours de Babel sont presque toutes tombées - on les voit déconfites sur une peinture - sauf l'Afrique centrale. Pourquoi ? Pourquoi ce destin malheureux alors que le Congo est étymologiquement le centre du monde, comme le prouve la présence de la racine Kongo dans d'autres noms - Hong-Kong ou Vietkong…. Le dessin, très réaliste, faussement naïf, sur des fonds unis, parfois rehaussés de paillettes, est complété par des collages : ici des capsules de Coca-Cola, des enveloppes de chocolat Cadbury, là une photographie d'une jeep Mitsubishi. Ces scènes, construites comme des vignettes de bande dessinée, sont quelquefois de bonnes satires politiques, animées par la truculence du discours africain. Chéri Samba, qui vient d'un pays non-aligné, cherche à voir du hublot d'avion les pays occidentaux, qu'il présume alignés. Las ! Il ne perçoit aucun alignement. Ce monde est vraiment mal tourné, Chéri Samba n'a pas fini de le pourfendre.


 Pierre de Sélène
24.01.2004