Accueil > Le Quotidien des Arts > Ex-voto pas mort

Livres, CD, DVD

Ex-voto pas mort

L'activité florissante de l'atelier Wilchis, à Mexico, montre que l'ex-voto a encore de beaux jours devant lui.

Qu'est-ce qu'un ex-voto ? Un objet qui matérialise un vœu accompli. C'est une forme de remerciement public envers la divinité ou la puissance qui a réussi à vous tirer d'une mauvaise passe. On a vu au cours de l'histoire toutes sortes d'ex-voto, reflétant souvent la forme de l'organe guéri. De beaux exemples, très différents, sont exposés au Musée de Senlis - ce sont des sculptures gallo-romaines reproduisant un foie, un œil, les organes génitaux - ou dans le sanctuaire de Bonfim à Bahia - il s'agit là de reproductions en plâtre beaucoup plus récentes. L'ex-voto a connu dans les pays catholiques une vogue remarquable sous la forme de tableautins résumant les faits. Le présent livre montre qu'il a encore ses adeptes sur les marchés de Mexico. Rien ne permet d'ailleurs d'écarter son retour en puissance : des sites internet (comme http://ex-voto.cicv.fr, accueilli par le centre international de création vidéo Pierre Schaeffer) remplissent aujourd'hui la fonction des anciennes chapelles en les rassemblant sur la Toile.

La dure vie des cocus
Le propos de l'ouvrage n'est pas de conjecturer sur l'avenir de l'ex-voto mais d'en détailler une production florissante : celle de l'atelier Vilchis, emmené par le père Alfredo Vilchis et ses fils, établi au marché de la Lagunilla à Mexico. Après une introduction fort savante de Hervé di Rosa et de son épouse, ces retables au dessin naïf, toujours accompagnés d'une légende savoureuse (intégralement traduite), sont déroulés en séquences thématiques - les catastrophes naturelles, la maladie, la violence urbaine, la vie rurale, etc. Les scènes sont généralement touchantes : une femme enfante seule car les médecins considérent l'accouchement trop périlleux, une autre se repent d'avoir abandonné son nouveau-né près d'une poubelle et le récupère in extremis avant que les chiens le dévorent, un chauffeur de taxi retrouve son véhicule volé, un enfant survit à une morsure de cochon, un clown est sauvé d'une maladie de cœur et un champion de lutte guérit d'une mauvaise fracture. Les histoires les plus savoureuses sont évidemment celles des cocus, où l'on voit des hommes cachés sous des lits, s'enfuyant par la fenêtre ou perdant leur sang à gros bouillons. L'ensemble constitue une plaisante et fidèle fresque du Mexique contemporain : à conseiller, à côté des volumes de Marcel Niedergang, aux américanistes.


 Pierre de Sélène
23.01.2004