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Pedersen, l’autre Danois

Eclipsé par Asger Jorn, Carl-Henning Pedersen est l’un des grands peintres danois du XXe. Son œuvre est désormais accessible en français dans un ouvrage volumineux.

De la galaxie Cobra, qui a marqué la peinture occidentale au début des années cinquante, on ne retient généralement que quelques noms : Jorn, Corneille, Alechinsky et Appel, auxquels s’ajoutent parfois Constant et Dotremont. Mais il est rare de voir figurer dans la liste Carl-Henning Pedersen, né en 1913. En raison, peut-être, de sa grande similitude avec Jorn, dont il est le compatriote ? Cette volumineuse étude en deux volumes ne contribuera certainement pas à populariser l’artiste (il faut débourser 75 euros) mais elle satisfera les défenseurs des «seconds rôles». Le texte de Jean-Clarence Lambert est savoureux et fourmille d’anecdotes (son emploi de livreur à la laiterie L’Unité, la rencontre avec Brecht, provisoirement réfugié au Danemark au début de la guerre, etc).

Bleu nuit et jaune acide
Pedersen est un autodidacte - Je suis devenu peintre quand j’ai découvert la joie de mettre une couleur à côté de l’autre» écrit-il. La composante magique, fabuleuse (au sens étymologique) de son œuvre est bien reliée aux fondements de l’imaginaire danois, les sagas nordiques et les contes d’Andersen. Des animaux fantastiques aux grands yeux, des femmes, des oiseaux, des architectures gothiques à flèches : on retrouve des formes ressemblantes chez Dubuffet, Lam ou Chagall. Pedersen les traite avec d’épaisses couches de peinture et les sature de bleu et de jaune acide. Il emploie une composition en cloisonné, qui lui servira lorsqu’il répondra à de grandes commandes de mosaïques, notamment pour la cathédrale de Ribe. On n’est pas obligé d’être sensible aux poésies réunies dans le second volume mais force est de reconnaître que leur thématique magique, panthéiste, correspond bien aux peintures de l’auteur. En revanche, certaines encres de Chine de 1953, pleine de bâtonnets, de taches, de rayures, mais résolument figuratives, sont séduisantes, à l’intersection de Klee et de l’art brut.


 Pierre de Sélène
05.02.2004