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Expositions

Chine et chambre noire

Le festival de Pingyao se délocalise à Paris, au MK2 Bibliothèque, pour faire découvrir la jeune garde de Canton et de Shanghai.


© Ya Niu : Festival Pingyao 2002
PARIS. Le festival de photographie de Pingyao est une belle success story. Qui aurait misé sur la réussite de cet «Arles à la chinoise» dans une petite ville à 200 kilomètres à l'ouest de Pékin, surtout connue pour avoir servi de décor au film Epouses et concubines ? La greffe a bien pris et Pingyao s'exporte maintenant en France, à l'occasion de l'année de la Chine, avec son commissaire, Alain Jullien et ses lauréats. L'accrochage dont bénéficient ces derniers est forcément curieux pour qui est habitué aux quatre murs d'une galerie. Dans les grands espaces du complexe de salles de cinéma MK2 Bibliothèque, un fil conducteur guide les visiteurs. C'est une longue bande, évidemment de couleur rouge, tracée à même le sol.


© Song Chao : Festival Pingyao
2003
Moine au walkman
Le premier prix du festival, Hei Ming (né en 1964), est au rez-de-chaussée. Ce n'est pas forcément un cadeau. Même s'ils sont grandeur nature, ses moines de Shaolin, reproduits sur des sortes d'oriflammes, passent relativement inaperçus, malgré leurs tenues vives et leur accoutrement parfois curieux - l'un d'eux est en chaussures de jogging et écoute son walkman. Ces lettrés sont en effet en bordure du grand hall où la circulation est la plus intense et jouxtent les escalators. L'exposition est beaucoup plus lisible à l'étage inférieur, plus calme, d'autant que le premier sujet est particulièrement poignant. Lu Guang montre les ravages du sida dans la province du Henan où les pauvres vendent leur sang pour gagner de quoi vivre. Suit un autre sujet très social, dû à Xu Yong, d'un traitement convenu mais toujours efficace : les habitants d'un ancien quartier de Pékin posent devant leurs maisons en passe d'être détruites. Chacun tient une pancarte indiquant son nom et sa date de naissance. De la grand-mère née en 1912 à la jeune fille de 1991, tout perdent une part de leur passé, dans une Chine qui change à grande vitesse.

Travailler à la mine
Le plus connu de ces auteurs est probablement le jeune Song Chao, que l'on a déjà vu à Arles et qui est exposé en ce moment à la galerie Baudoin Lebon. Ce mineur de fond s'est endetté pour acheter un matériel sophistiqué - une chambre - pour photographier ses camarades. Des images très «propres» malgré le charbon sur les visages, très «piquées», bien composées - presque trop professionnelles - mais qui offrent de beaux regards d'hommes. Si l'on cherche une photographie plus expérimentale, il faut regarder du côté de l'«école de Canton» qui joue avec les cadrages, comme Ya Niu. Et l'on trouve fort ludiques les approches de Yan Changjiang et de Miao Xiaochun. Le premier plante son pied la nuit au zoo et utilise des poses longues pour capturer les animaux. Cacatoès et girafes se dédoublent sous les lampions. Le second s'est fabriqué un sosie en polyester, habillé en longue tunique, comme un sage d'autrefois. Il l'installe dans les hauts lieux de la modernité - parkings, centres commerciaux, hôpitaux - et le photographie. Distanciation brechtienne ou ironie à la Martin Parr ? Au regardeur de décider.


 Rafael Pic
06.02.2004