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Patrimoine

On clone bien les vieux bronzes

Exécuter des copies conformes des bronzes de Riace pour les envoyer à travers le monde ? Après avoir alimenté la polémique en Italie, le projet vient d'être abandonné.


© D.R.
CATANZARO. Les bronzes de Riace restent à la maison : trop délicats pour être déplacés, ils ne seront pas prêtés aux musées étrangers. Quant à leurs sosies qui devaient les représenter à travers le monde, ils ne seront finalement pas produits. Œuvres d’art nomades ou protection à outrance, original ou copie ? Le dilemme a porté sur l’un des plus précieux trésors artistiques conservés en Italie : ces deux bronzes virils de Riace, repêchés en 1978 après quelque millénaire sous l'eau et devenus l’un des symboles de la civilisation méditerranéenne. Pas question de les toucher, de les déplacer. Les risques de vol, d’incidents, de lésions sont trop élevés. Ainsi en ont décidé les autorités locales, qui ont tenu bon malgré les réactions hostiles. L’une d’entre elles est venue de l’ancien secrétaire d’Etat à la Culture, Vittorio Sgarbi, qui taxe de «résistances superstitieuses» les obstacles au prêt. Il aurait bien vu les bronzes représenter l’Italie aux olympiades d’Athènes. Le ministre grec de la Culture, Vénizelos, a accueilli la proposition avec enthousiasme et aurait même promis en échange le prêt du mythique .


© D.R.
500 000 euros le faux bronze
La question de la protection des statues est certes primordiale. Mais n’y-a-t-il vraiment aujourd’hui aucun moyen de les faire voyager sans danger ? Derrière cette appréhension exagérée, on peut supposer que se cache en réalité l’angoisse d’une perte définitive des statues : c’est le syndrome du rapt. Lorsqu’une œuvre qui est devenue le symbole d’un lieu s’éloigne, c’est l’identité locale qui est menacée. S’y ajoute l’inquiétude de perdre son pouvoir d’attraction ou, exprimé en d’autres termes, des flux de touristes. Un fait a rendu la question encore plus polémique. Les bronzes de Riace ont été à deux doigts de posséder des jumeaux, des sosies que l’on aurait envoyés en tournée à leur place. Des copies conformes, des clones impeccables. En cas de bris, aucun problème, l’original étant en lieu sûr… Ces moulages devaient coûter 500 000 euros : un montant considérable pour une opération dont l’efficacité et la signification étaient fort discutables et que le tribunal administratif régional avait lui-même considérée irrégulière. Le ministre de la Culture, Giovanni Urbani, partisan du projet, s’était ainsi trouvé contraint de faire appel auprès du Conseil d’Etat pour légitimer ses clones. La région de la Calabre s’est évidemment battue contre cette «reproduction en toc», soucieuse d’accroître les flux touristiques dans sa direction, vers Catanzaro, qui devrait bénéficier d’un regain de notoriété. Au dernier moment, le ministre de la Culture, en coup de théâtre, a décidé de faire marche arrière. Pressé de toutes parts, il vient d’abandonner ses rêves de clonage. Pour voir les bronzes, il faudra faire le voyage de Calabre…

Helga Marsala (exibart.com)


 16.02.2004