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Musées

Ricciotti construira le Musée des civilisations

C'est l'architecte Rudy Ricciotti, connu pour le pont de la Paix à Séoul et pour ses villas en bandeau, qui a été choisi pour le futur musée marseillais.


Plan masse 2000
MARSEILLE. La concurrence était vive mais, en conclusion, c'est le «local» qui a gagné. Rudy Ricciotti était depuis la semaine dernière le favori du jury chargé de sélectionner le maître d'œuvre du futur Musée nationale des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, qui ouvrira en 2009. Il a été adoubé par le ministre de la Culture le 18 février, devant des «poids lourds» internationaux comme Steven Holl, Rem Koolhaas ou Zaha Hadid, dont le projet est celui qui a le moins convaincu. Né en 1952 à Alger, Rudy Ricciotti a signé plusieurs réalisations dans le nord de la France comme la Maison européenne de la photographie à Paris ou l'auditorium de Sélestat, et travaille actuellement à la requalification des Grands Moulins de la porte de Bercy pour en faire la faculté d'architecture de Paris VII. Mais il a surtout œuvré dans le Midi, de Bandol (la redéfinition du front de mer) à Manosque (une salle de spectacle), de Vitrolles (le stadium) à Aix-en-Provence (Centre chorégraphique national), de Montmajour (requalification de l'abbaye) à la Côte d'Azur, où il a réalisé de longues villas en bandeau, qui s'intègrent de façon particulièrement satisfaisante dans le paysage. Heureuse coïncidence, une exposition à la villa Noailles, à Hyères, lui rend actuellement hommage.

15 000 m2, 144 millions d'euros
Créé en 1936 par le mythique Georges-Henri Rivière, ancien pianiste de jazz (il écrivit des chansons pour Joséphine Baker) devenu pape de l'ethnographie, le Musée des arts et traditions populaires s'est installé en 1972 dans un bâtiment du bois de Boulogne. Excentré, il n'a jamais vraiment connu une fréquentation à la hauteur de ses ambitions. Et sa muséographie, pour fascinante qu'elle soit avec ses reconstitutions de milieux humains sous vitrine (à redécouvrir avant la fermeture définitive !), est aujourd'hui considérée comme périmée. Le futur musée marseillais, sous la conduite de la même équipe menée par Michel Colardelle, intègrera les collections de son prédécesseur (250 000 objets) mais se veut un lieu plus ouvert. Il sera organisé en cinq espaces thématiques : paradis, eau, chemin, cité, masculin/féminin. La tâche de Ricciotti consistera à rénover le fort Saint-Jean, à l'intersection du Vieux Port et de la Joliette, et à lui adjoindre un bâtiment neuf, sur le môle J4, auquel il sera relié par un pont. Le budget prévisionnel pour l'ensemble du projet, qui s'étendra sur quelque 15 000 m2 utiles, est de 144 millions d'euros.


Maquette du projet
L'iode et le béton
«Le MUCEM sera une casbah verticale», écrit Ricciotti dans son projet. On ne peut mieux définir un bâtiment qui doit symboliser le métissage culturel, qui se joue depuis des millénaires sur les rives de la Méditerranée. Si le fort Saint-Jean - un pot-pourri de deux mille ans d'histoire que Vauban se chargea d'unifier derrière des fortifications - ne changera pas d'apparence, le nouveau bâtiment lui fournira un contrepoids frappant. En forme de parallélépipède, il sera un «bâtiment minéral» conçu pour s'intégrer dans le «paysage de pierre du fort Saint-Jean. Il sera «enserré sous une résille réalisée, comme la structure des espaces intérieurs, en béton de fibre de haute performance de 3 cm d'épaisseur perforé, comme une section de roche marine.» Ce matériau et sa couleur «de poussière mate» se veulent un «éloge du dense et du fragile». Le lyrisme des architectes est souvent séduisant mais ne permet guère de conclure sur l'adaptation effective du lieu à sa fonction, que l'on vérifiera à l'ouverture. En attendant, la description du sas entre le nouveau bâtiment et le fort Saint-Jean plaira aux iconoclastes mais fera peut-être sursauter les tenants de la vieille école : ce sera «une respiration démuséifiante sous l'odeur de l'iode par la proximité des douves d'eau de mer afin de chasser les doutes que l'on pourrait avoir quand à l'usage de l'histoire de nos civilisations»…


 Rafael Pic
20.02.2004