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Expositions

Les architectes à l'âge de glace

En Laponie, le Snow Show donne l'occasion aux stars que sont Zaha Hadid ou Tadao Ando de créer leur igloo idéal.


Zaha Hadid + Cai Guo-Qiang
The Snow Show 2004
Photo: Jeffrey Debany
ROVANIEMI (Finlande). Le rêve de tout architecte est, a priori, de bâtir pour l’éternité. En Finlande, dans l’hiver extrême de la Laponie, les plus grands noms de la discipline ont accepté de se faire violence puisque les structures qu’ils ont dessinées vont avoir une brève existence. Dès le début du printemps, elles seront condamnées par le dégel. Construire en blocs de glace : le Snow Show permet d'assouvir le rêve enfantin de l’igloo. Mais cette initiative originale, dont le commissaire est Lance Fung, a aussi pour objet de réconcilier l’art et l’architecture, deux disciplines autrefois très voisines (notamment au temps où les hommes vivaient sous abri), mais qui ont pris leur autonomie en raison, notamment, de la compexité des techniques de construction actuelles. A Kemi et Rovaniemi, la ville qui conserve plusieurs édifices d’Alvar Aalto, on admire depuis la mi-février trente réalisations, qui sont, chacune, l’œuvre d’un couple – un architecte associé à un artiste - ayant dû se plier aux mêmes principes de base. Les structures doivent être auto-portantes, ne pas dépasser 8 m de hauteur et occuper une surface au sol inférieure à 80 m2. Si glace et neige en constituent l’ossature, on peut agrémenter le bâtiment de lumières, de vidéos et de diverses autres créations plastiques. Confronter les créateurs à un matériau nouveau, c'était aussi l’occasion de remettre en cause leurs habitudes de travail.


Tadao Ando + Tatsuo Miyajima
The Snow Show 2004
Photo: Jeffrey Debany
Comme l'albâtre
On ne sera pas surpris de voir que Zaha Hadid - qui est un peu la championne du monde des projets non réalisés tant elle imprime aux matériaux des torsions et des formes extrêmes - signe, avec Cai-Guo-Qiang, d’une des constructions les plus séduisantes. C’est une sorte de croisement entre une proue de navire et les empilements de Marina-Baie des Anges, avec un fin jeu d’encorbellements. Chez Anamorphosis et Eva Rotshschild, plusieurs peaux de glace enveloppent un théâtre à l’antique. Tadao Ando et Tatsuo Miyajima ont conçu un tunnel éclairé de quelques diodes rouges. D’autres ont préféré imaginer des édicules plus simples pour se concentrer sur le matériau lui-même : chez Diller et Scofidio, il est gravé comme du verre de Bohême. Sous le soleil rasant du Grand Nord, le moellon de glace présente de surprenantes analogies avec le marbre de Carrare ou, plus encore, avec l’albâtre de Volterra. Il n’a jamais la fade transparence du verre mais le msytérieux translucide du sucre filé. Le petit labyrinthe d’Arata Isozaki et Yoko Ono en est un bel exemple, qui magnifie ces jeux de lumière. Ces igloos, fruit du rêve et de la technique, vont résiter jusqu’à la fin du mois de mars. Après, ils se déliteront irrémédiablement. Heureusement, le Snow Show a pris une cadence annuelle. On retrouvera donc des monuments éphémères, dus à de nouveaux intervenants, dès février 2005.


 Pierre de Sélène
25.02.2004