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Expositions

Cindy Sherman, Sans titre n° 411,
épreuve à développement
chromogène, 111,8 x 76,1 cm,
2003, avec l'autorisation
de l'artiste et de Metro Pictures,
New York

Clown, mon frère

L'artiste a toujours été fasciné par la figure du saltimbanque. Une exposition au Grand Palais ausculte cette attirance, de Chardin à Pierrick Sorin.


Paul Klee, Le Funambule,
lithographie, 52,1 x 38,1 cm, 1923,
Solomon R. Guggenheim Museum,
New York, © ADAGP, Paris 2004
PARIS. Le clown, on le sait, ce n'est pas que pour les enfants. Il peut parfois être triste, seul, désespéré : c'est alors l'émissaire idéal pour dépeindre la condition humaine. Il y a bien sûr son autre face, ce rire multiplicateur, homérique, qui nous permet d'échapper à notre conscience, de rejoindre le monde des dieux, l'ivresse dionysiaque. Bref, il y a beaucoup à dire sur le clown et sur son corollaire, le cirque, et les artistes ne s'en sont pas privés. A son accoutumée, Jean Clair réalise une gigantesque fusion. Il mélange des tableaux «classiques», des redécouvertes, des films, des installations. Chacun devrait y trouver son compte et la multiplicité des éclairages empêchera de sortir avec une conclusion claire… ce qui est bien la meilleure des choses.


Jean-Siméon Chardin, Le singe
peintre
, huile sur toile, 73 x 59 cm,
vers 1739-40, Musée du Louvre,
Paris
Le tout petit cirque de Calder
Comme des amers, on trouve à intervalles réguliers des zones de force qui scandent l'exposition. Ce sont les cabines des films (Les Visiteurs du soir de Marcel Carné, avec Arletty et Jean-Louis Barrault, ou le célèbre Freaks), à la sortie l'immense clown-automate travesti de Jonathan Borofsky qui se gondole contre son ombre. Et, entre les deux, dans un espèce de tholos antique tout rouge, les trapézistes planant de George Segal à côté d'une projection du film de Jorge Vilardebo (1961) sur l'extraordinaire cirque que Calder emportait toujours avec lui dans sa valise. Le parcours est divisé en neuf sections dont Il Mondo Novo, la Parade, Ecce Homo ou Arlequin, où l'on retrouve bien sûr Picasso en première ligne.

Pelez, une redécouverte
Mais d'autres volent, il faut le dire, la vedette à Picasso, tant de fois vu. C'est notamment le cas de ce très grand panneau de Fernand Pelez, un Hopper à la française, inconnu des manuels d'art, qui provient des collections du Petit Palais. Dans Grimaces et misères (1888), danseuses dépitées, nain fourbu et musiciens-clochards aux épaules affaissées dépeignent un sombre univers, à mille lieux de clinquant de ces Dames des chars, que Tissot voit tourner sous les lampions de l'Alma. Des deux cents œuvres, beaucoup viennent de l'étranger et l'on est heureux de voir qu'à côté de Beckmann, Ensor ou Klee, les commissaires ont aussi choisi des tableaux bien moins «évidents». On pense aux ballets plastiques de Fortunato Depero ou aux Pierrots de Brighton par Walter Sickert - le peintre victorien que Patricia Cornwell assimile à Jack l'Eventreur. Ces bateleurs, qui encombraient les piers ou jetées anglaises de Brighton ou Bournemouth, ont été jusqu'aux années 1960 un élément indissociable des vacances à la mer. Bustes de Messerschmidt, photographies de nains, vidéos de Bruce Nauman ou Pierrick Sorin rendent encore plus complet le panorama. Il ne manque à vrai dire qu'une vraie performance…


 Rafael Pic
11.03.2004