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Iacovleff, peintre voyageur

On résume souvent sa carrière aux croisières Noire et Jaune. Mais l'exilé russe n'a pas attendu les deux sagas Citroën pour arpenter le monde.

1924 : les chenilles Citroën partent pour la croisière Noire. 1931 : la marque automobile réédite l'exploit avec une croisière Jaune qui mène ses véhicules jusqu'à Pékin. Les équipes ne sont pas seulement composées de mécaniciens et de traducteurs. Comme au temps de l'expédition napoléonienne en Egypte s'y trouvent des scientifiques (notamment un taxidermiste), des photographes, des cameramen et un peintre officiel. Ce dernier est un jeune Russe, qui a conclu son contrat à une table chez Maxim's : Alexandre Iacovleff, né en 1887 à Saint-Pétersbourg, où il a côtoyé le groupe de Diaghilev. Dans les sables d'Afrique, Iacovleff croque le lion à peine abattu, un marabout méfiant au long bec, une antilope, une femme Pygmée, les piroguiers du Tchad ou les chefs locaux. Beaucoup de ces images peuvent être approchées dans l'exposition que le Musée des années 30, à Boulogne-Billancourt, consacre au peintre jusqu'au 14 août 2004.

Le retour de la sanguine
D'une esthétique très Art déco, ces images composent un délicieux récit de voyage. Dans les portraits, Iacovleff remet en honneur les techniques de Boucher et de Quentin de la Tour, la sanguine, le fusain et le pastel, qui font ressortir les visages sur le fond très blanc du papier. Passent ainsi devant nous André Citroën, évidemment, l'éditeur Lucien Vogel, Louis de Bourbon, Georges-Marie Haardt (chef de la croisière Jaune) mais aussi un acteur du kabuki japonais, le sultan de Zinder ou le chef du tribut de Badgad. Tous ne sont pas dus à la saga Citroën. Le virus du voyage ne quitte jamais Iacovleff, qui arpente, jusqu"à sa mort en 1937, l'Ethiopie, l'Indochine, les Etats-Unis (il sera professeur de dessin à l'école des beaux-arts de Boston) ou l'Italie. Introduit dans le beau monde, il ajoute d'autres facettes à son activité : des décors de ballets (en 1928, Sémiramis de Honegger, Paul Valéry et Fokine) ou des fresques dans des demeures privées, comme au château de Vigoleno en Emilie-Romagne, pour la princesse Ruspoli-Gramont. Dans sa préface, Pierre Rosenberg se lamente que Iacovleff, qu'il tient pour un des plus grands pastellistes du XXe siècle, ne figure pas dans le Petit Larousse. On espère qu'il y entrera avant Fogiel ou Dechavanne.


 Pierre de Sélène
10.04.2004