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Les musées remontent vers le nord

Le nouveau musée d'Aarhus, au Danemark, a été inauguré le 8 avril. Il a l'ambition de mener une active politique de commande aux artistes contemporains.


Musée d'Aarhus, la rue piétonne.
A gauche, les espaces d'accueil
(café, librairie, bibliothèque).
A droite, les étages des collections.
Photo : Poul Ib Henriksen.
AARHUS. Pourquoi bâtir un nouveau bâtiment lorsque l'on en possède déjà un ? La réponse est fort simple : «L'ancien musée, dans le quartier de l'université, était vétuste, explique le directeur Jens Erik Sorensen. C'était un très vieux musée régional.» Un jugement sans appel. Rien de tel avec le nouveau siège qui s'élève en plein centre ville grâce à l'armée : en abandonnant des casernes, celle-ci a libéré un espace important près de la mairie, dont une parcelle est occupée par l'auditorium municipal. L'édifice du musée est dû à l'équipe locale Schmidt, Hammer & Lassen, qui a gagné un concours international en 1997 devant 110 concurrents. Il a d'ores et déjà retenu l'attention avec son escalier en colimaçon qui rappelle la rampe du Guggenheim à New York. «C'est un volume simple à l'extérieur, avec un intérieur "sculptural" mais aussi fonctionnel», juge Jens Erik Sorensen, à qui l'on doit le croquis initial.


Le musée d'Aarhus (baptisé ARoS)
de nuit. Photo : Poul Ib Henriksen.
Un musée-rue
En forme de cube de dix étages, avec un jardin d'hiver au sommet, le musée est traversé par une rue piétonne, ouverte sur l'extérieur. On peut l'emprunter sans payer et s'arrêter à la librairie ou au café. Les collections sont en face. Elles contiennent évidemment beaucoup de peinture locale. «Nous n'avons pas une "Joconde" danoise. Mais certains tableaux sont de véritables icônes nationales comme Abandonnée de Frans Henningsen, poursuit le directeur. Si nous le retirons des salles d'exposition, nous avons dans l'heure des plaintes des visiteurs.» Ce mélo côtoie les peintres de l'«âge d'or» scandinave (1830-1850) mais aussi Vilhelm Hamershoi, auquel le musée d'Orsay a dédié il y a quelques années une importante exposition, ou les plus récents Kirkeby et Asger Jorn.

Plus de mille visiteurs par jour
Le musée, qui a coûté 41 millions d'euros et qui a été en gestation pendant deux décennies, n'entend pas se limiter à l'art du passé. «Nous avons réussi à acheter Boy de Ron Mueck malgré la concurrence d'autres institutions, notamment allemandes» commente Jens Erik Sorensen avec satisfaction. Ce gigantesque enfant accroupi (plus de 5 mètres de hauteur), très admiré à la Biennale de Venise en 2000, est en passe de devenir le symbole du musée. Mais il ne sera pas le seul représentant de l'avant-garde. «Une grande partie de la création contemporaine a besoin d'ombre et non plus de lumière zénithale, comme autrefois. Nous avons donc créé, en sous-sol, ce que nous appelons les Neuf Espaces. Grâce au mécénat de Carlsberg, soit 6 millions d'euros, nous allons y installer neuf artistes, chacun dans une pièce. Les premiers sont déjà là : Bill Viola, Tony Oursler et James Turrell. Pipilotti Rist les rejoindra à l'automne 2004. Puis ce sera un nouvel artiste par an.» En ce qui concerne le programme des expositions temporaires, c'est la vedette locale qui ouvrira le ban. Olafur Eliasson, en octobre prochain, devrait attirer du monde. «Ce sera sa première rétrospective au Danemark. En attendant, le musée enregistre déjà une affluence exceptionnelle. Nous avons plus de 1 000 visiteurs par jour, avec des pointes à 3 000 à Pâques.» Jens Erik Sorensen s'est engagé contractuellement à faire passer la fréquentation de 65 000 à 150 000 visiteurs. Le pari semble déjà gagné auprès des autochtones. Il ne reste aux visiteurs étrangers qu'à rajouter une étape sur leur périple danois : le Louisiana Museum a un sérieux concurrent, là-haut, dans le Jutland.


 Rafael Pic
30.04.2004