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Expositions

August Strindberg, Vagen VIII, 1901-1902, huile sur toile, Stockholm, Nordiska Museet
© Photo: Soren Hallgren


Strindberg : derrière les romans, la peinture

Le musée d’Orsay fait apparaître les talents artistiques de l'écrivain suédois August Strindberg. 130 pièces nous livrent la diversité de son œuvre

L’exposition s’ouvre sur un portrait, celui de Strindberg par Edvard Munch. Un peu plus loin, une seconde représentation par Carl Larsson. Comment cette facette du talent du grand romancier a-t-elle pu rester aussi longtemps dans l’ombre ? Né en 1849, à Stockholm, Strindberg fait ses premiers pas en peinture en 1872. Dès lors il alternera peinture, littérature et photographie en fonction de ses préoccupations. « Je cherche la vérité dans l’art de la photographie, intensément comme je la cherche dans beaucoup d’autre domaines. »

De Stockholm à Paris, l’artiste fréquente aussi les plus grands noms du monde littéraire et artistique comme « le génie sauvage »,Paul Gauguin, à Paris. Ses expériences photographiques l’orientent sans relâche vers une recherche de la réalité autre que celle captée par le regard : portraits psychologiques, célestographies, plaques photographiques exposées à la lumière des étoiles sans objectif ni lentille, en sont les résultats les plus aboutis. « Je veux que les gens voient mon âme... » écrit-il lorsqu’en 1886 il se lance dans une série d’autoportraits saisissants comme celui de cet écrivain cédant au vertige de la page blanche.

Tourments, angoisses, drames, symboles participent indifféremment à ses textes et à ses peintures. Les fleurs sur le rivage, solitude de la nature sur des horizons sans fin, annoncent un épisode obscure, celui de sa crise parisienne de 1895 à 1896 qu'il a appelée « crise d’Inferno ». Des toiles comme Golgotha de 1894, un paysage lugubre proche de l’abstraction laisse présager d’un changement de thème : tempêtes, marines, orages et vues alpestres se succèdent dans des teintes de gris, de verts sombres et de noirs. Des tableaux clairs succèdent à cette phase marquée par l’occultisme, Le Phare III de 1901, Grotte de 1902.

En cela précurseur des surréalistes, Strindberg laisse le hasard prendre la direction des opérations. Ainsi des dessins au fusain inspirés de simples bouts de charbon, ces statuettes du Garçon qui pleure illustrent ses théories déjà décrites dans Des Arts nouveaux ! Ou le hasard dans la production artistique en 1894. Pour Strindberg, la principale source d’inspiration se trouve dans ses propres textes : La vague VI de 1901 reprend l’introduction de Au bord de la vaste mer tandis que ses paysages montagneux évoquent Seul, texte écrit en 1903. Déjà aperçu dans Visions du Nord au musée d’art moderne, Strindberg nous revient pour révéler les autres facettes de son activité et nous faire découvrir une personnalité originale, surréaliste et abstraite avant la lettre.


 Stéphanie Magalhaes
16.10.2001