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Expositions

Les collectionneurs sont reçus à la Maison rouge

La fondation Antoine de Galbert inaugure son espace de la Bastille avec une exposition originale sur les collections privées.


La Maison Rouge – Fondation Antoine
De Galbert
Copyright photo : Christian Courrèges
PARIS. A l'extérieur, face au port de l'Arsenal, de petits néons rouges, comme ceux qui signalent les maisons closes de Soho et d'Amsterdam. Ni porche grandiloquent ni bannières au vent. Le promeneur de passage devra être perspicace pour deviner ce qui se cache derrière : l'un des plus grands espaces parisiens privés consacrés à l'art contemporain, l'équivalent par sa surface (2000 m2) de la nouvelle galerie Gagosian de Londres dont on parle tant. Mais il s'agit pas ici d'un lieu commercial : Antoine de Galbert, grenoblois ayant réussi dans les services aux entreprises, a voulu créer une fondation centrée sur les gens comme lui : les collectionneurs passionnés. Elle dispose d'un budget annuel d'un million d'euros (auquel s'ajouteront les ressources provenant du mécénat), pour dévoiler ces collections généralement interdites au grand public. L'ancienne usine textile de la Bastille a été dotée de tous les perfectionnements techniques par l'agence Amplitude mais elle a conservé l'aspect labyrinthique d'origine. Sous les verrières ont été concentrés les tuyaux de fluides, dégageant de grands plateaux de béton. Au centre, un curieux petit pavillon d'habitation, lui aussi conservé : c'est la Maison rouge.


© photo : Marc Domage
Les collectionneurs viennent à nous
L'exposition inaugurale est en forme de manifeste. La scénographie est inattendue : de grands caissons de bois sont disposés à intervalles réguliers, comme dans l'attente d'un déménagement. Il faut s'en approcher et observer leur intérieur (on peut parfois entrer) pour comprendre leur fonction : chacun est la reconstitution d'une pièce d'un appartement. Il y a là un vestibule, un salon, une chambre, un grenier, etc. Il ne s'agit pas d'appartements-témoins mais d'authentiques lieux de vie de collectionneurs contemporains, momentanément déplacés avec tout leur contenu, mobilier, tapis et, évidemment, œuvres d'art. Notre côté voyeur se satisfait de ces toilettes avec photographies érotiques dont quelques clichés d'Araki. La voisine salle de bains est toute différente avec ses reliquaires chrétiens parmi lesquels se cache une composition de Philippe Dereux, à base d'épluchures de pommes de terre. Certains collectionneurs ne vivent pas au milieu de leurs objets : c'est le cas de celui-ci, qui les prête à des musées et qui résume son chez soi avec une simple liste enchâssée dans une boîte de verre. D'autres, au contraire, aiment l'accumulation comme Antoine de Galbert, qui donne une idée de son domicile avec une entrée chargée : livres cuits de Denise Aubertin, vidéo de Van Elk, mobile mécanique de Nicolas Darrot, photos de Giacomelli… Si la conclusion n'était pas banale, on dirait qu'il y a autant de collections possibles qu'il existe de collectionneurs et toutes ont leur logique. Même la dernière, aussi criminelle soit-elle, présentée sous forme d'une "vidéo-menu" de Gérard Wacjman, le commissaire, et Nathalie Portugal. C'est la collection de Stéphane Breitwieser, constituée de pièces volées dans des dizaines de musées européens. Elle a connu une fin aussi atypique que sa formation : il y a deux ans, la mère du voleur l'a fait disparaître dans le vide-ordure et dans le canal de Colmar.


 Rafael Pic
04.06.2004