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Politique culturelle

Mécénat, la voie française

Alors que l'on s'apprête à fêter le premier anniversaire de la loi sur le mécénat, son principal promoteur, Admical, note-t-il déjà des tendances nouvelles ?


Une réunion d'Admical à Lille
© D.R
PARIS. En dix-huit mois, la France s'est dotée d'un arsenal législatif cohérent pour favoriser l'expression du mécénat. La loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France accorde de très importantes remises d'impôts aux entreprises qui utilisent leurs deniers pour acquérir un «trésor national» (on entend par là un bien culturel d'une importance capitale). Si c'est pour leur compte, elles peuvent défalquer 40% de la dépense de leur revenu imposable. Si c'est pour le compte de l'Etat, la déduction atteint 90% pourvu que d'autres plafonds soient respectés (que ce montant ne dépasse ni 50% du revenu imposable ni 0,5% du chiffre d'affaires). Et le mécénat en dehors de ces occasions exceptionnelles ? La loi du 1er août 2003, couvée par Jean-Jacques Aillagon, y pourvoit. Elle permet aux entreprises de déduire 60% de leurs dons aux œuvres et organismes d'intérêt général, ce qui représente presque un doublement des seuils. Il n'est plus nécessaire de viser un Titien pour que les retombées fiscales soient appétissantes. Dans le même temps, la création de fondations est facilitée, en termes de formalités et de délais de constitution.

La croisade de Rigaud
La règle veut que l'on dresse un bilan après un an d'application de ce train de mesures (nous en sommes en réalité à un an et demi puisque la loi du 1er août 2003 a été rétroactive au 1er janvier). L'interlocuteur évident est Admical, l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial. Son animateur depuis 1979, Jacques Rigaud, n'a pas eu l'heur de conquérir le fauteuil qu'il convoitait à l'Académie française. Mais le vote de la loi sur le mécénat représente une victoire personnelle aux implications autrement plus importantes. Elle entérine un mouvement de fond : en 1986, le mécénat d'entreprise, dans les domaines de la culture, de la solidarité et de l'environnement, représentait en France un millier d'actions pour un budget total de 50 millions d'euros. En 2002, la feuille de route faisait état de quelque cinq mille actions pour un budget de 350 millions d'euros. Les nouvelles dispositions ont-elles entraîné une nouvelle «explosion» du mécénat ?

Etats-Unis et Allemagne font la course en tête
«Il est trop tôt pour le dire, estime Marianne Eshet, déléguée générale d'Admical. La loi a sans doute incité à formaliser certaines actions de mécénat et elle aura au moins pour effet de pérenniser les actions des entreprises, ce qui est déjà un résultat positif en période de morosité économique. Mais les budgets étant décidés à l'automne, le véritable an I du mécénat est 2004 (avec des budgets approuvés fin 2003). Nous n'aurons de données fiables qu'en 2005. D'ores et déjà, on note une tendance à la création de clubs d'entreprises, qui permettent à des PME de mettre en commun leurs moyens pour soutenir une institution culturelle comme un orchestre ou un musée. » Si la bonne volonté des entreprises ne semble pas être en défaut, le véritable effort à fournir porte sur l'information de toutes celles qui n'ont pas eu connaissance de la loi. La mission Mécénat au Ministère de la Culture s'y emploie (lire prochainement notre entretien avec François Erlenbach, «M. Mécénat») mais les moyens mis en œuvre rue de Valois ou par Admical, une association de taille modeste (8 permanents), ne comprennent évidemment pas de vastes campagnes d'affichage. L'adaptation des structures françaises prendra donc du temps. On ne compte à ce jour qu'environ 150 fondations d'entreprise en France, contre mille en Allemagne ou deux mille aux Etats-Unis. Et après le démantèlement de la fondation Vivendi, qui employait une vingtaine de salariés, rares sont celles dont l'effectif atteint dix personnes. Les marges de progression, pour reprendre un terme galvaudé, sont impressionnantes…


 Rafael Pic
21.06.2004