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Expositions

Bons baisers du Caire

Auguste Mariette, le découvreur du Sérapéum de Saqqara et le fondateur du Musée égyptien du Caire, est enfin célébré chez lui, à Boulogne-sur-Mer.


Portrait de Mariette
© D.R.
BOULOGNE-SUR-MER. L’exposition fonctionne comme un livre ouvert du Voyage en Haute-Egypte d’Auguste Mariette. Les photographies de l’ouvrage sont projetées sur les murs des salles et illustrent les différentes étapes de ce circuit artistique descendant le Nil jusqu’au delta. Une trentaine d’œuvres du Musée du Caire ont fait le voyage, pour rendre hommage à son fondateur qui, dès 1863, crée dans le quartier de Boulaq un «musée pour les Egyptiens, non pour les spécialistes», démarche inédite à l’époque. L'exposition accueille aussi une centaine d’œuvres du département des Antiquités égyptiennes du Louvre, l’un des deux commissaires de l’exposition, Christiane Ziegler, étant la directrice de ce département. Les autres pièces sont issues de musées régionaux, de musées européens et, en particulier, du British Museum. Cet événement exceptionnel pour une ville de 45 000 habitants, a été l’occasion pour le Château-Musée de Boulogne-sur-Mer de se moderniser.

Un vrai roman de la momie
Les pièces antiques s’inscrivent de manière originale dans les salles du château du XIIIe siècle. La beauté de ces salles compense leur exiguité, parfois gênante pour l’appréciation des oeuvres. Le parcours s’ouvre dans la chapelle, qui accueille des pièces monumentales comme Amon protégeant Toutânkhamon en diorite, qui sort pour la première fois du Musée du Louvre, et introduit le rôle politique de la statuaire en Egypte Ancienne. Dans la salle historique de la Barbière est installé un chantier de fouilles de l’époque de Mariette, reconstitué avec un grand souci d’exactitude. On observe les outils de mesure, les petits objets trouvés sur place ainsi que le lieu de vie des archéologues tandis que sont restitués le bruit des outils et les chants rythmant ces fouilles. A l’étage, deux salles honorent la figure de Mariette et présentent la «galerie boulonnaise», modeste collection égyptienne du Musée de Boulogne-sur-Mer qui est à l’origine de sa vocation. Mariette disait être « entré dans l’Egypte par la momie du Musée de Boulogne», qui est exposée ici. Les chaouabtis de la tombe d’Ounnefer (XXXe dynastie), images d’ouvriers accomplissant les corvées du défunt dans l’au-delà, sont pour la première fois tous réunis ici.


Deux sphinx © D.R.
Retrouver les oies de Meïdoum
Le circuit descendant le Nil, choisi par le commissaire d’exposition, Marc Desti, reprend l’itinéraire tracé par Mariette en 1878, qui est décrit sur des cartes et panneaux didactiques dans chaque salle. Il débute par le site d’Eléphantine avec le Livre des Morts sur papyrus, nous introduisant aux rites funéraires, que l’on retrouve inscrits sur les sarcophages de Thèbes, plus particulièrement celui de Besenmout (650 av. J.-C, British Museum) dont la surface est recouverte d'hiéroglyphes. Parmi les points forts de l’exposition, on trouve la reconstitution à l’identique de la fresque figurant les oies de Meïdoum, issue d’un mastaba du temps du roi Snéfrou, père de Khéops et fondateur de la VIe dynastie. Ne pouvaient manquer d'être présentés les objets issus des fouilles du Sérapéum de Saqqara, nécropole dédiée au Taureau sacré Apis dont on voit une effigie en bronze coiffé d’un disque et d’un serpent uraeus. Des bas-reliefs illustrent les offrandes faites au taureau sacré. Ces oeuvres permettent d’aborder la religion officielle et les rites funéraires très codifiés de l’Egypte ancienne. A noter, dans la même salle, un bas-relief colossal en grès: le Zodiaque de Dendérah, de 2m50 de côté, l'un des joyaux du Louvre. Provenant du Temple d’Hathor, il présente une carte du ciel avec ses constellations, soutenue par des déesses et des dieux à têtes de faucon.

Tête cherche bras
L'exposition permet d'heureuses rencontres : la Tête de Panemerit (Musée du Caire) mise au jour par Mariette dans le Temple d’Amon à Tanis, retrouve son torse, découvert plus tard et conservé au Musée du Louvre. Même si l’Egypte est une «passion française» selon le mot de Robert Solé, sa popularité ne s’accompagne pas forcément d’une connaissance de l’égyptologie. En plus d’une scénographie efficace, l’exposition est riche en dispositifs informatifs. Dix bornes interactives, très faciles d’utilisation, expliquent et re-contextualisent les objets présentés dans chaque salle. Un CD-Rom, en plus du catalogue traditionnel de l’exposition, a été conçu pour l’occasion et permet une approche à la fois pédagogique et ludique. Et pour ceux qui ne voudraient pas quitter les berges du Nil, la ville accueille une série d'événements complémentaires : d’autres expositions, des conférences, un cycle de cinéma égyptien et un… souk cairote reconstitué sur les quais Gambetta.


 Yseult Chehata
07.07.2004