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Les Ballets russes reviennent à Paris

Parade, un ballet mythique qui vit collaborer Picasso et Cocteau, est réévoqué mercredi 7 juin sur la piazza du Centre Pompidou.


Karen McVay Butch et Martha Enzmann.
Photo de Chia Chiung Chong.
PARIS. Parade est un défilé chorégraphié par Karen McVay Butch et Martha Enzmann, qui ont également réalisé les costumes. Ces deux peintres de formation, anciennes élèves du Savannah College of Art and Design aux Etats-Unis, organisent depuis une vingtaine d’années ce genre de spectacle aux mises en scènes présentées comme des tableaux vivants. La musique du basson Jeffrey Lyman accompagne cet hommage aux ballets russes. Créé en 1917, Parade avait vu collaborer Picasso, Satie, Massine et Cocteau. «Notre travail est le plus souvent réalisé en collaboration avec des communautés, expliquent les deux artistes, et il investit souvent le lieu spécifique dont nous nous inspirons, comme ce fut le cas pour un spectacle sur une rivière en Caroline du Nord.» Ces évènements conservent la fraîcheur et la spontanéité de leurs débuts lorsqu’elles n’avaient que peu de moyens pour réaliser leurs spectacles. Leur premier défilé, réalisé avec des draps d’hôpitaux peints, avait signé leur marque de fabrique : l’utilisation de «matériaux simples», le plus souvent peints, dans un esprit bricoleur et imaginatif. A l’instar des costumes de ballets fabriqués par Picasso, elles ont utilisé le carton, la toile, le fer… Des matériaux plus actuels sont ensuite apparus comme la toile de parachute ou le Tyvek, tissu synthétique léger et résistant, imitant le papier, «sur lequel on peut facilement peindre». Elles cultivent l’ambiguïté aussi dans leur recherche sur le «faux-élégant» pour la parade parisienne, où des abats-jour peints en argenté (couleur rappelant également les 25 ans du Savannah College), sont transformés en chapeau, et supportent le reste du costume. Celui-ci peut prendre la forme d’une toupie encerclée de tuyaux d’arrosage peints en noir, comme la transposition d’un dessin en trois dimensions. Les différentes postures imaginées par les artistes et réinterprétées par ceux qui défilent, sont rythmées par les morceaux de Stravinsky, Chostakovitch, du basson Lyman, spécialiste des chansons et orchestrations de la Révolution Française. Le choix de défiler face au Musée national d’art moderne, et surtout sur la place, montre leur volonté de rendre ce spectacle «accessible à tous et de faire participer le public».

A Lacoste, chez le marquis de Sade
Ce mélange explosif de matériaux, de couleurs, de mouvements et de musique se retrouve à la Mona Bismarck Foundation où les costumes de la parade seront exposés. Ils se situent donc entre installation d’art et objets cinétiques. Les mannequins réalisés par Josette Primard sont très vivants, mimant des poses rappelant celles des Demoiselles d’Avignon de Picasso ou des tableaux de Degas, de Manet… Des boules à facettes en mouvement ainsi que des ventilateurs animent ces mannequins costumés, et le son du basson reste présent. Une vidéo réalisée par le «Département 61», maison de production du Savannah College, où collaborent professionnels et étudiants, montre les précédentes créations de McVay Butch et Enzmann, dont leur spectacle caricaturant les costumes des cours royales françaises. Il y aura également dans l’exposition, une salle consacrée aux photographies de Karl Lagerfeld rendant hommage au peintre Yves Klein et à l’écrivain Tennessee Williams, qui appartiennent aux collections du Savannah College. Cette école d’art, comprenant entre autres six galeries d’expositions permanentes et un musée, fête son quart de siècle cette année. McVay Butch et Enzmann, diplômées de cette école dans les années 80 quand elle ne comptait qu’une dizaine d’élèves par promotion, ont pu voir cette institution se développer et s’ouvrir à de nombreuses disciplines comme l’histoire de l’art, la mode, le graphisme informatique, la vidéo, etc. Une antenne du Savannah College a vu le jour en 2002 à Lacoste, en Provence, investissant les locaux d’une école d’art fondée en 1970 par le peintre surréaliste américain Bernard Pfriem. McVay Butch et Enzmann collaboreront avec les étudiants de cette école en juillet pour mettre en scène une nouvelle parade s’inspirant cette fois de la commedia dell’arte, qui défilera dans les rues de Lacoste. Elle est également attendue au Festival d’Avignon, fin juillet.


 Yseult Chehata
06.07.2004