Accueil > Le Quotidien des Arts > Géricault, père d’une vieille Italienne

Musées

Géricault, père d'une vieille Italienne

C'est à l'occasion d’une exposition consacrée à Victor Schnetz que Bruno Chenique a pu réattribuer un portrait au grand romantique. Il nous dévoile les dessous de l'enquête…


Théodore Géricault La vieille Italienne
(anciennement attribué à V. Schnetz)
© C2RMF
Après être entré sous le nom de Schnetz (1787-1870), peintre peu connu et de qualité moyenne, au Louvre en 1870 avec l’importante donation de Louis La Caze, La vieille Italienne a été déposée en 1871 au Musée du Havre. En janvier 1998, un nettoyage de surface et une radiographie de cette huile sur toile (62,5x49,7 cm) ont révélé un dessin sous-jacent représentant un visage masculin levant les yeux. Cette tête d’homme pourrait s’apparenter à celles de certains naufragés du Radeau de la méduse (1819). À l’heure actuelle, aucun dessin préparatoire de cette toile n’est mentionné. Cette œuvre est d’une provenance inconnue. Elle est inconnue des premiers spécialistes de Géricault. De ce fait, la démarche de l’attribution n’a pu se faire qu’à travers une étude formelle : en la comparant avec d’autres œuvres de l’artiste, nous avons pu reconnaissaître certains éléments stylistiques propres à Géricault.


Théodore Géricault, Le Vendéen
© RMN - Photo : C. Jean
La première chose qui a éveillé ma curiosité et m'a fait penser à Géricault est le tissu blanc qui enveloppe la vieille Italienne. Le père du romantisme accordait une importance particulière au tissu dans ses œuvres. Ce fichu, constitué de toute une série de plis très lourds, profonds, se caractérise par des touches de blanc et de subtils rehauts de gris. Ces plis massifs et les contrastes violents du clair-obscur rappellent le style de Géricault. Ce châle qui entoure un cou massif acquiert un côté sculptural. La qualité de la peau et son traitement sont uniques : les coups de pinceau y sont peu visibles, elle est tannée par le soleil, lisse. Seules quelques touches blanches rehaussent le nez et le front. Ce front à l’aspect maçonné laisse apparaître des rides profondes, engendrées par l’accumulation très subtile de matières picturales. On retrouve ce traitement dans un des tableaux de la série des portraits de fous ou dans Le Vendéen du même artiste. Le fond sombre, propre aux romantiques, permet d’accentuer le relief et laisse apparaître la pâte tourmentée, travaillée qui trouve son équivalent dans les célèbres linges blancs, maculés de sang, desTêtes de suppliciés (vers 1818-1819). Le regard, profond, mélancolique et nostalgique de cette femme lui confère une certaine intériorité.

Il est très difficile de procéder par comparaison dans la mesure où Géricault modifiait son style pour chaque œuvre, aussi bien en peinture que pour les dessins, ce qui en fait un artiste complexe, difficilement reconnaissable. Il changeait constamment de technique aussi bien en dessin qu’en peinture. Le style proche de celui du Radeau de la méduse (1819) nous permet d’avancer la date de 1820, qui reste évidemment hypothétique. Pour l’heure, une exposition, autour de ce tableau, au Louvre, réunit cinq œuvres de Schnetz, Cogniet, Navez et Géricault, inspirées du personnage de la vieille Italienne. Elles permettent au public de jouer à l'expert…


  Propos recueillis par L'Art Aujourd'hui
19.01.2002