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Marché

Karl Schmidt-Rottluff, La lectrice, 1911
Estimation : 1 800 000 / 2 500 000 $


Egon Schiele, Maison au linge séchant, 1917
Estimation : 8 / 12 millions $


Les comptes fantastiques de Phillips

Pour s'adjuger les collections Hoener et Smooke, en vente aujourd'hui à New York, l'auctioneer s'est livré à une surenchère financière sans précédent. Les résultats seront-ils à la hauteur ?

C’est aujourd’hui une journée importante pour l’auctioneer Philipps. Alors qu’à Londres, le rapprochement entre Phillips UK et Bonhams & Brooks devient effectif, deux importantes collections privées d’art moderne sont mises en vente à grand renfort de communication dans les nouveaux espaces de Phillips au 3 West, 57th Street.

La matinée est consacrée à la dispersion de la collection du financier allemand Diethelm Hoener. Estimée à plus de 9 millions de dollars, elle regroupe une cinquantaine de tableaux, d’œuvres graphiques et de sculptures illustrant les grands mouvements de l’avant-garde germanique du 20e siècle, depuis l’influence impressionniste sur l’art de Liebermann jusqu’aux créations dadaïstes de Kurt Schwitters et surréalistes de Max Ernst. Parmi les pièces emblématiques, figurent un ambitieux travail de jeunesse de Nolde, La table de thé, un Groupe en plein air d’Erich Heckel peint au verso de Trois femmes ou La lectrice de Schmidt-Rottluff, une huile qui a échappé au sort habituel de «l’art dégénéré» grâce à l’intervention du collectionneur Benkert en 1937.

Quant à la soirée, elle sera marquée par la vente de 72 œuvres de la collection de Marion et Nathan Smooke, un magnat de l'immobilier. Comme l'expliquait Nathan Smooke à propos de la Petite danseuse de 14 ans de Degas qui pourrait aujourd’hui atteindre les 8 millions de dollars, cet ensemble s'est constitué au gré des coups de cœur du couple : « La question ne se posait même pas, c’est quelque chose que je devais avoir ». Les lots proposés datent en majeure partie des deux premières décennies du 20e siècle comme La Seine à Pont de Chatou de Vlaminck, un rare portrait du modèle favori de Modigliani, Almaïsa, une Variation de formes abstraite de Fernand Léger ou la monumentale Maison au linge séchant de Schiele.

Mais si cette vente tient la tête de l’affiche, la qualité et la rareté des œuvres n’en sont pas les seules responsables. Cette collection a fait l’objet d’âpres bagarres entre Phillips, Sotheby’s et Christie’s et le premier semble l’avoir emporté en offrant aux Smooke des garanties bien au-delà des estimations des experts, puisant pour ce faire dans les ressources de la maison mère, LVMH. Sans compter les négociations obscures qui ont amené la famille à retirer du catalogue des œuvres de Derain, Ernst et Matisse estimées à 15 millions de dollars...


 Zoé Blumenfeld
05.11.2001