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Expositions

Les carnets de voyage de Kleinberg

L'Hôtel d'Albret expose les visions moscovites d'un jeune artiste français.


Vendeuses de vêtements,
200 x 240 cm
© Photo: Emmanuelle Renard
Ce qu'il y a de bien, avec les bourses que donnent la Mairie de Paris et l'AFAA (Association Française pour l'Action Artistique à l'étranger), c'est que, où que soient envoyés les lauréats, à Ho-Chi-Minh ville comme à Budapest ou à Sào Paulo, ils ne font ni plus ni moins que ce qu'ils ont à faire, qu'ils auraient fait où qu'ils aient été. Ainsi Fred Kleinberg (né en 1966), musicien, vidéaste, peintre… Après Berlin, Séville et Rome, le voilà parti trois mois, durant l'été dernier, à Moscou. Et puisque pour obtenir la bourse il faut définir un projet, il était question d'aller photographier un cimetière de sculptures communistes. De retour, Kleinberg n'a rien fait de ce dépôt en plein-air, devenu, depuis quelques années, un parc de sculptures, soigneusement entretenu, indiquant sans détour la nostalgie qui taraude les Moscovites.


Dans l'atelier
© Emmanuelle Renard
Alors quoi ? Les figurines en cire, les momies, les écorchés, apprivoisés depuis longtemps et où qu'il soit par l'artiste ? Eh bien non, même si la tentation d'infiltrer le laboratoire où fut embaumé Lénine, toujours installé sous la Place Rouge, fut grande ! Les humains l'ont emporté, tant, il est vrai, leur allure de morts vivants a frappé l'artiste... Kleinberg a filmé, dessiné et surtout mémorisé : les ivrognes pendant les grosses chaleurs, les enfants «aux visages de vieillards», les camions de prostituées réservés aux touristes, les boutiques de luxe jouxtant les lieux du pouvoir politique... Plus que tout, il a observé les femmes. Notamment toutes celles, dans le métro, qui «vendent leurs propres vêtements mais ne vendent pas leurs corps ». Il a enregistré les mots de jeunes critiques d'art dubitatives et ceux de vieilles paysannes désespérées. Résultat ? D'étranges tableaux épais, multicolores, emblématiques, des sortes de drapeaux, des instruments de vigilance et aussi de belles photographies, présentées en format géant, au plafond de la salle d'exposition. Les nouveaux « carnets de voyage » de Kleinberg en disent décidément long sur l'histoire des révolutions.


 Françoise Monnin
26.01.2002