ArtAujourdhui.Hebdo
N° 107 - du 23 octobre 2008 au 29 octobre 2008
L'AIR DU TEMPS
Hôtel Guggenheim
NEW YORK - Alors que tous les spécialistes auscultent les grandes foires d’automne pour en tirer des indices sur le marché de l’art – la londonienne Frieze s’est, semble-t-il, mieux comportée que prévu et la parisienne FIAC ouvre cette semaine avec un pronostic réservé – quelques observateurs notent une évolution alarmante dans le monde des musées. On assiste depuis quelque temps à la multiplication des hôtels-musées : du Windsor à Nice au Fox à Copenhague, ces établissements offrent leurs murs aux plasticiens. Et l’on est bien content de dormir dans une chambre décorée par Raymond Hains ou Ben ! Mais voici que l’on assiste au phénomène contraire. Le Palais de Tokyo avait ouvert le bal en installant un caisson vert sur son toit – un hébergement hors norme. C’est maintenant le tour du respectable Guggenheim de New York. Sa Revolving Hotel Room est ouverte à la location pour des prix assez contenus, vu l’emplacement. Il en coûte entre 300 et 800 dollars la nuit, avec l’autorisation, paraît-il, de se promener en pantoufles dans le musée. On nous assure que c’est une installation de Carsten Höller. D’autres susurrent qu’il n’en est rien : les musées seraient plutôt en train de pallier à leur manière la défection prévisible des mécènes…
EXPOSITIONS
C’est Byzance
LONDRES – Des manuscrits enluminés, des bas-reliefs sur ivoire, des fresques marouflées sur toile, des émaux, des encensoirs en argent ciselé, des mosaïques, des icônes évidemment. Pour résumer les onze siècles d’histoire de Byzance (330-1453), la Royal Academy est restée fidèle à la règle de l’accumulation. Plus de 300 objets précieux ont été convoqués, provenant de grands musées (Paris, Venise) mais aussi d’Ukraine ou d’Egypte, et spécialement du musée Benaki à Athènes. S’il fallait trouver un fil conducteur sur une période historique aussi longue et aussi riche en événements, de la fondation de la Rome d’Orient par Constantin jusqu’à l’arrivée des Ottomans, ce serait sans doute cette tradition continue d’excellence et de raffinement dans le domaine des arts décoratifs.
Hommage à Montebello
NEW YORK – C’est sobrement intitulé « The Montebello Years » - les années Montebello. Le propos est donc transparent : il s’agit de rendre hommage à l’un des directeurs emblématiques du Metropolitan Museum of Art, qui a occupé l’un des postes les plus prestigieux du monde de la culture pendant 31 ans, établissant un véritable record. Les conservateurs des 17 départements ont rassemblé 300 objets emblématiques acquis pendant son mandat. Voisinent ainsi une statuette égyptienne en bois, un Bouddha gupta, la Vierge à l’Enfant de Duccio, l’armure du prince des Asturies réalisée en 1712, un manteau de Paul Poiret ou le White flag de Jasper Johns. Il ne s‘agit évidemment que de la pointe de l’iceberg. Lorsque Philippe de Montebello quittera le Met, le 31 décembre 2008, il aura vu entrer quelque 85 000 objets dans les collections.
Canaletto et consorts
TRÉVISE - C’est l’une des icônes du Settecento ou XVIIIe siècle vénitien mais on a rarement l’occasion de voir un rassemblement de ses œuvres. La dernière fois qu’une exposition significative lui a été consacrée remonte à 1967 au Palais des Doges. Canaletto est une telle tête d’affiche que son seul nom est certain d’attirer les foules. Les organisateurs, habitués aux rétrospectives très courues, le savent bien : en juillet, à trois mois de l’inauguration, 35 000 billets avaient déjà été réservés. Mais l’intitulé est partiellement trompeur. Il faut lire le sous-titre, « Venise et ses splendeurs » pour comprendre que, sur la centaine d’œuvres présentées, beaucoup ne sont pas de Canaletto mais d’autres vedutistes, pareillement doués d’ailleurs : Luca Carlevarijs, Bernardo Bellotto ou Francesco Guardi, qui ont aussi croqué la lagune, le Grand Canal ou les palazzi.
VENTES
Kan Yasuda (né en 1945), Myomu (Key to a Dream), marbre de Carrare, 320 x 233 x 90cm. Pièce unique, réalisée en 1998 © Sotheby's
Sculptures à grand gabarit
CHATSWORTH - Prendre le temps de voir les lots avant une vente aux enchères, voilà qui n’est pas toujours facile. On ne dispose généralement que de quelques heures dans une salle bondée. Que diriez-vous de deux mois de réflexion ? C’est ce qu’offre Sotheby’s avec son exposition « Beyond Limits » : 22 sculptures monumentales, dont certaines font près de 10 mètres de long, toutes d’artistes reconnus, sont installées dans le cadre enchanteur du château de Chatsworth, propriété du duc de Devonshire. Il y a là un Très Grand Ours de François-Xavier Lalanne, un arbre en acier de Zadok
Ben-David, une Alice de Kiki Smith qui se baigne dans une cascade, un Myomu (la Clé d’un rêve) de Kan Yasuda en marbre de Carrare. On l’a déjà remarqué, les grands auctioneers diversifient toujours plus leur activité. Sotheby’s devient désormais créateur de parcs de sculptures. Ces 22 œuvres ne seront pas dispersées dans une vacation mais vendues comme dans une galerie à ciel ouvert.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
André Raffray, Etant donnés 1° La chute d'eau 2° Le gaz d'éclairage, 2006-2008, crayons de couleur sur toile avec allumage électrique du manchon, 210 x 140 cm, courtesy galerie Beaubourg
André Raffray : Duchamp mis à nu
Fils de photographes, il a travaillé dans le dessin animé – il a notamment dirigé le service animation de la Gaumont. A 45 ans, en 1970, il entame en parallèle une seconde carrière de peintre. Après avoir produit, grâce à sa technique sans faille, des toiles hyperréalistes, André Raffray trouve sa voie avec les « peintures recommencées ». Il refait Van Gogh, Matisse, Parmesan et, surtout, Duchamp. Il consacre à la vie du maître de l’art moderne une série de douze toiles, qui sont montrées lors de la grande exposition du Centre Pompidou en 1977 : Duchamp achetant son égouttoir au BHV, Duchamp et la broyeuse à chocolat, etc. A l’époque, une scène lui avait causé les plus grandes difficultés : elle concernait Etant donnés, l'œuvre ultime de Duchamp, présentée après sa mort au musée de Philadelphie. Raffray avait fait le voyage. Trente ans plus tard, il retranscrit en deux dimensions cette installation profondément érotique d’un nu aux jambes
écartées, couché dans un gazon dru, derrière une vieille porte espagnole. Du Duchamp sans être du Duchamp : cela s’appelle du Raffray.
LIVRES
Vive le bleu, à bas le jaune !
Labourant un territoire qu’il a déjà largement défriché, l’historien Michel Pastoureau propose sous une forme amène – un dialogue avec Dominique Simonnet – le bilan de ses recherches sur les couleurs. Pourquoi préfère-t-on aujourd’hui le bleu, alors qu’il était méprisé par les Romains de l’Antiquité, pourquoi le jaune est-il encore honni ? Pourquoi le vert est-il une couleur « douce » - Goethe la recommandait pour la chambre à coucher – et pourquoi les pièces du jeu d’échecs étaient-elles autrefois rouges et noires ? Pourquoi les papes, au XIVe siècle ont-t-ils abandonné le blanc pour le rouge ? Mêlant propos sur les techniques de teinture, analyses symboliques et anecdotes, le livre fait la biographie de chacune des six couleurs (bleu, vert, rouge, blanc, noir, jaune) et des cinq demi-couleurs. L’iconographie, variée, fait le grand écart, des vitraux de Nuremberg aux paysages urbains de Richard Diebenkorn.
BRÈVES
BERLIN - La Temporary Kunsthalle, une structure temporaire dessinée par l'architecte Adolf Krischanitz, ouvre le 29 octobre sur l'emplacement de l'ancien Parlement de la RDA avec une exposition consacrée à Candice Breitz.
La présentation du bâtiment sur le site de l'architecte Adolf Krischanitz
BRUXELLES - Les Salles Océanie des Musées royaux d'Art et d'Histoire, qui contiennent notamment une importante collection de l'île de Pâques, rouvrent le 30 octobre après une rénovation complète.
BUENOS AIRES - La foire BA Photo, consacrée à la photographie, se tient du 29 octobre au 2 novembre 2008 au Palais de Glace.
ORLEANS – Du 25 octobre au 23 décembre, la 8e édition des Rencontres internationales d’architecture Archilab se penche sur 30 cas de reconversion urbaine en cours en Europe, de l’aéroport de Tempelhof à Berlin jusqu’à la ville de Badajoz en Espagne.
PARIS – La FIAC 2008 se tient du 23 au 26 octobre au Grand Palais et dans la Cour carrée du Louvre. Plusieurs foires « satellites » sont organisées en même temps : Slick au 104, récemment inauguré, Show Off à l’Espace Pierre Cardin, Artistbooks au Centre Pompidou et Art Elysées sur les Champs-Elysées.
SAINT-GERMAIN-EN-LAYE – La femme au chien qui porte un collier, un panneau jusque là inconnu du peintre nabi Paul Ranson, réalisé en 1895 pour la galerie de l’Art nouveau de Siegfried Bing, a été racheté chez Christie’s par le conseil général des Yvelines. Il sera prochainement exposé au musée Maurice-Denis.
SAO PAULO - La 28e Biennale de São Paulo se tient du 26 octobre au 6 décembre 2008 et réunit une quarantaine d'artistes autour de la thématique "in living contact".
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
SUR LES QUAIS - PORTS, DOCKS ET DOCKERS, DE BOUDIN À MARQUET
LE HAVRE - En 160 œuvres, des impressionnistes jusqu'aux photographes de l'entre-deux-guerres, le musée Malraux illustre l'évolution de l'iconographie portuaire sur un siècle. Signac, Marquet, Lhote mais aussi Dignimont et Meunier documentent la fin de la marine à voile, la rude vie des dockers et la magie technique des ponts transbordeurs.
NICOLAS-TOUSSAINT CHARLET (1792-1845) - AUX ORIGINES DE LA LÉGENDE NAPOLÉONIENNE
LA ROCHE-SUR-YON - Charlet, grand producteur de lithographies, souffre d'une désaffection qu'il ne mérite pas. Delacroix tenait en haute estime cet interprète de la saga napoléonienne qui a décrit les grandes campagnes militaires mais aussi laissé nombre de portraits des dragons et autres grognards bravaches.