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N° 497 - du 21 décembre 2017 au 10 janvier 2018


MVRDV, bibliothèque de Tianjin (Chine) Photo © Ossip van Duivenbode.

L'AIR DU TEMPS

A lire !

En ces jours de fête, autant qu'à boire ou à manger, donnez-nous à lire ! Il y a peu encore, le déclin du livre papier semblait irréversible. Pourtant, les chiffres de 2016 montraient un essoufflement des ventes de liseuses alors que les dos carrés reprenaient du poil de la bête. Ainsi, sur le plus gros marché mondial, les Etats-Unis, selon l'Association of American Publishers, les livres électroniques avaient perdu plus de 14%, les livres de papier gagnant 3,3%. On attend les résultats de 2017… Quoi qu'il en soit, le papier fait de la résistance. Symbole idéal de cette résistance : l'étonnante bibliothèque conçue en Chine, à Tianjin, par l'agence néerlandaise MVRDV. Avec ses rayonnages à perte de vue, elle rend presque tangible le concept d'infini que l'internet semblait monopoliser...

8 BONS LIVRES

Le mystère Cravan

Son existence romanesque (journaliste, écrivain mais aussi peintre et boxeur), son cousinage médiatisé (neveu d’Oscar Wilde) et sa fin mystérieuse (quelque part sur le Rio Grande, à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis) ont suffi à construire la légende d’Arthur Cravan (de son vrai nom Fabian Avenarius Lloyd). Ce catalogue (et l’exposition au musée Picasso de Barcelone jusqu’au 28 janvier 2018) ne se veut pas une nouvelle biographie mais un éclairage sur une période particulière – celle qu’il passa à Barcelone en 1915-1916. L’aventurier y alterne séances sur le ring (dont un célèbre combat perdu contre le premier champion du monde noir, Jack Johnson) et soirées littéraires avec les Picabia et d’autres cubistes basés en Catalogne pendant la guerre. L’ouvrage présente aussi une série de tableaux présumés de sa main, signés d’un autre pseudonyme (Edouard Archinard) et exposés à la galerie Bernheim-Jeune à Paris en 1914.
Arthur Cravan. Maintenant ?, sous la direction d’Emmanuel Guigon, Silvana Editoriale, 288 p., 32 €.

Paris, capitale des Pays-Bas

On connaît Van Gogh, Van Dongen et Mondrian, un peu moins Scheffer et Jongkind, quasiment pas Maris et Breitner. Leur point commun ? Etre hollandais et avoir vécu un moment de leur carrière à Paris. Encadré par les limites chronologiques de la Révolution et de la Première Guerre mondiale, le catalogue de l’exposition au musée Van Gogh (jusqu’au 7 janvier 2018, ensuite au Petit Palais à Paris) rappelle la facilité d’accès : dès 1847, grâce au chemin de fer, on peut se rendre d’Amsterdam à Paris dans la journée. La capitale française était-elle bien le centre du monde de l’art ? On peut le croire au vu des statistiques présentées : sur 13 908 artistes étudiés, 567 ont voyagé en Belgique, 351 en Italie - l’ancienne patrie du Grand Tour -, 112 en Grande-Bretagne et 1136 en France… Un commerce de l’art tonique, l’intérêt pour la production contemporaine (avec le Salon annuel et les collections dumusée du Luxembourg, dès 1818) attiraient les talents méconnus. Le découpage a ensuite le mérite de la simplicité : chaque artiste étudié l’est dans un chapitre spécifique.
Les Hollandais à Paris, 1789-1914, Paris Musées, 2017, 272 p., 29,95 €

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Avec vue sur cosmos

Les artistes se sont toujours passionnés pour la représentation de la voûte étoilée et, inversement, les vues du cosmos ressemblent souvent à des œuvres d’art… Ce livre est donc à double entrée. On peut y chercher des éléments scientifiques - par exemple sur les photos prises par le télescope spatial Hubble ou par le satellite Image de la NASA qui permit de mieux comprendre le phénomène des aurores boréales - mano a mano entre le champ magnétique terrestre et les particules solaires. Mais on peut aussi le feuilleter comme un livre d’heures tant ces corps stellaires, immortalisés sur papier, pierre ou bois, ont la beauté des enluminures. Les peintres du plafond astronomique d’Hathor en Egypte il y a deux mille ans, le calligraphe du prince Iskandar pour son horoscope de 1411, ou ces sages sioux qui retranscrirent sur une peau de buffle la pluie de météorites de 1876 : tous, à leur façon, rendent un culte à l’espace démesuré au-dessus de nos têtes, moteur de nos pensées métaphysiques…
Univers, introduction de Paul Murdin, Phaidon, 2017, 252 p., 49,95 €.

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Clavé gravé

Espagnol né en 1913, mort en 2005, Antoni Clavé partage bien des points communs avec Picasso (qu’il a connu en 1944), comme la haine de Franco, l’amour de la corrida, la fascination pour certains maîtres anciens (Vélasquez, Rembrandt), le goût des matériaux pauvres (corde, clous, cartons)… et la passion de la gravure. Dans ce domaine, Clavé est d’une inventivité qui vaut celle de l’Andalou. Il la pratique de 1937 à 2001, met au point des techniques mystérieuses, balance entre la figuration la plus nette et l’abstraction la plus énigmatique. Les 517 numéros de son œuvre complet sont recensés ainsi que son abondante activité d’illustrateur qui l’a vu s’adapter à des auteurs aussi dissemblables que La Fontaine, Pouchkine ou Saint-John Perse.
Antoni Clavé, œuvre gravé, catalogue raisonné, Skira, 2017, 264 p., 99 €.

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Top 100

Les hit-parades ne se démodent pas. Et la série des « lieux qu’il faut avoir vus avant de mourir» (ou autres « choses qu’il faut avoir faites ») est devenue un filon très rentable. La peur, sans doute, de ne pas s’être réalisé… L’intérêt ici est d’être en désaccord, de proposer des variantes. Comment, le Crucifix de Cimabue et pas la Maestà de Duccio ?! S’arrête-t-on avec le cocorico de Martial Raysse ou pousse-t-on jusqu’à Jeff Koons ou Murakami ? N’essayez pas d’obéir au titre, vous seriez en défaut dès le début. La grotte Chauvet (numéro 1) et Lascaux (numéro 2) sont totalement inaccessibles… Et dommage que l’on apprenne que la Tentation d’Eve à Autun a été restaurée en 2016 alors que l'on nous montre une photo ancienne... On pardonne en renvoyant à un article d'artaujourdhui.info sur l'exposition du musée Rolin en juin 2017 !
Les 100 œuvres d’art qu’il faut avoir vues, par Gérard Denizeau, Larousse, 2017, 128 p., 19,95 €.

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Gauguin, une vie

« Chaque jour, je me demande s’il ne faut pas aller au grenier me mettre la corde au cou », écrit Gauguin à Pissarro en 1885. Heureusement, il ne l’a pas fait et a continué à peindre pendant 18 ans. Autrement, pas de Pont-Aven, pas de Tahiti, pas même de dispute avec Van Gogh à Arles ! Nourri de nombreuses citations, parfois vertes, le livre, très illustré, reparcourt la vie tumultueuse d’un génie qui fut plutôt mauvais mari et mauvais père. Matelot bagarreur ou agent de change bourgeois, il se félicite ici d’avoir fait une bonne affaire en achetant vingt mètres de toile de jute et pose ailleurs des questions profondes sur l’état de sauvagerie et d’innocence. Bien rendue, la complexité du personnage, entre appétits primaires et mysticisme coloré, est indissociable de son œuvre, une des principales portes d’entrée dans le XXe siècle.
Gauguin, d’art et de liberté, par Armelle Fémelat, Michel Lafon/Beaux Arts éditions, 2017, 224 p., 29,95 €.

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Orient Express, si doux nom

Il est conseillé d’ouvrir le livre à la page 86. Et l’on comprendra l’émotion des futuristes face à l’acier chromé des bolides, l’ivresse des carosseries et des pistons, le culte de la vitesse mécanique. La cabine de la locomotive Pacific 231 est une œuvre d’art et la photographie – un tirage soyeux, admirablement contrasté et piqué de 1936 - la magnifie. Pas étonnant que l’on ait écrit des poèmes à la gloire du train qu’elle traînait, à travers toute l’Europe, vers l’Orient compliqué, d’une manière pas si express que cela puisque l’on avait le temps d’y boire du champagne, d’y flirter, d’y assassiner ou de s’y suicider. Orient-Express… Le train, inauguré en 1883, ne circule plus depuis trente ans, et c’est sans doute tant mieux pour le mythe, nourri de ses extraodinaires voitures Art déco, de ses vieilles bouteilles de listrac, de la présence énigmatique de Mata Hari ou de Basil Zaharoff. « Rien ne commence par la littérature, mais tout finit par elle, y compris l’Orient-Express », assenait, définitif, Paul Morand…
Orient Express, de l’histoire à la légende, textes de Guillaume Picon, photos de Benjamin Chelly, Albin Michel, 2017, 260 p., €

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Qui êtes-vous, Gala ?

Emigrée russe, elle s’appelait Elena Diakonova et fut l’épouse d’Eluard (ils eurent ensemble une fille). Mais c’est le couple qu’elle forme avec Salvador Dalí qui rendra célèbre son surnom : Gala. Cette biographie illustrée dévide le fil d’une vie à l’enseigne de la liberté. On goûte, on expérimente, on aime sans compter. Des séances d’hypnose aux triangles amoureux (Eluard, homosexuel refoulé, la pousse dans les bras de Max Ernst et d’autres amis, dans une tentation masochiste et voyeuriste permanente), c’est l’étonnante permissivité de ces Années folles qui resurgit. Picabia criait « Vive les concubines et les concubistes » et Dali tombait amoureux de Gala en raison, expliqua-t-il, de son air hautain et méprisant. C’était un été catalan, en 1929, à Port Lligat. Elle deviendra sa muse scandaleuse, alimentant pendant cinquante ans ses fantasmes et sa peinture, jusqu’à leur mort sordide en 1982 et 1989, elle dépressive, lui anorexique, tous deux obsédés par la beauté des jeunes éphèbes qui les entourent.
Une vie de Gala, par Dominique Bona, Flammarion, 2017, 232 p., 29,90 €.

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